C'est au cœur du cerveau que se trouve la réponse.
D'ailleurs, seule une autopsie du cerveau permet d'aboutir à un diagnostic certain d'Alzheimer.
Il faut aller regarder à l'échelle du neurone pour trouver la cause des symptômes liés à la maladie d'Alzheimer. Les responsables sont les plaques séniles, ou plaques amyloïdes. La formation des ces plaques correspond à l'accumulation d'une protéine anormale, la bêta-amyloïde, fruit d'un mauvais clivage d'une autre protéine, l'APP. Une fois le processus enclenché, c'est la mort du neurone assuré, et petit à petit, ce sont des aires cérébrales qui sont touchées.
D'autres types de lésions peuvent être observées dans le cerveau de malades : cette fois-ci, c'est au cœur même des neurones qu'il faut plonger. Le mécanisme est analogue à celui des plaques amyloïdes : c'est l'accumulation d'une protéine (tau) impliquée dans la structure cellulaire, anormalement constituée qui conduit à la mort du neurone. La différence majeure réside dans la localisation intracellulaire de la protéine.
Le plus souvent, ces plaques sont localisées au niveau de l'hippocampe - "une sorte de péage de l'autoroute des souvenirs" comme se plait à l'appeler le Pr Dubois - et dans le néocortex. Cette couche cérébrale, que seuls les mammifères possèdent, est impliquée dans de nombreuses fonctions, dont la perception sensorielle, la génération des commandes motrices, l'orientation spatiale, les processus de pensée et le langage.
La destruction évolutive du tissu nerveux au niveau de l'hippocampe et du néocortex conduit à une détérioration progressive des fonctions commandées par ces aires. Le Pr Dubois nous explique les mécanismes à l'origine de la perte de mémoire : "Les premières lésions, que l'on peut observer dès l'âge de 40 ans, se forment au niveau de l'hippocampe, siège de la mémoire des faits récents. Mais l'apparition de lésions ne signifie pas forcément qu'il y ait de symptôme associé : la maladie est dite asymptomatique. Lorsque cette région cérébrale est endommagée, il est impossible de former de nouveaux souvenirs. Par contre, les souvenirs déjà emmagasinés ne sont pas altérés. C'est pourquoi les personnes malades peuvent parfaitement se souvenir de leur mariage ou de leurs 20 ans, mais pas de ce qu'ils ont fait la veille au soir ou du décès récent d'un proche".
Alzheimer en chiffres :
La maladie d'Alzheimer est une pathologie entraînant des troubles mnésiques, cognitifs et psychiques chez les personnes qui en souffrent.
Longtemps confondue avec les simples processus de sénescence et les troubles liés au vieillissement, elle a été sous-estimée, voire ignorée parce que méconnue, que ce soit par l'entourage ou par le personnel soignant.
La maladie d'Alzheimer est devenue l'une des principales préoccupations de santé publique et fait l'objet
d
'un vaste plan 2008-2012, visant à améliorer la prise en charge des malades.
L'Union nationale des associations Alzheimer souhaite profiter de ce label pour "renforcer leur combat contre la maladie, pour améliorer la vie des personnes malades et de leurs aidants, mais aussi changer l'image de la maladie et lever les tabous qui pèsent sur le malade".
Sans prétendre à un inventaire exhaustif, voici quelques chiffres pour mieux connaître cette maladie.
Le terme maladie d'Alzheimer est employé pour la première fois en 1912 par le Dr Emil Kraeplin, professeur d'Aloïs Alzheimer. Ce dernier, jeune médecin allemand, a découvert de nouvelles lésions cérébrales lors de l'autopsie de patients atteints de démence. Il parle alors d'une "maladie particulière du cortex cérébral". Une fois la pathologie clairement mise en évidence, c'est le Dr Kraeplin qui proposera de la nommer d'après le nom de son découvreur, son élève.
En 2004, ce sont environ 800 000 Français qui souffraient de cette maladie ou d'une maladie apparentée et environ 165 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année (chiffres du Ministère de la santé).
Cependant, ces données ne concernent que les personnes diagnostiquées : il n'est donc pas impossible que le nombre de personnes réellement atteintes soit en fait plus important.
La prévalence de cette maladie augmente très fortement avec l'âge : de 5 % à l'âge de 65 ans, elle peut atteindre 30 % à l'âge de 80 ans.
Le nombre de personnes atteintes à travers le monde est évalué à 26 millions, et les projections établissent que plus de 106 millions de personnes seront atteintes d'ici 2050.
La moitié des personnes décédées à l'âge de 47 ans présentent des lésions caractéristiques de la maladie d'Alzheimer.
La maladie évolue sur 7 à 10 ans.
La maladie d'Alzheimer est la forme de démence la plus répandue chez les personnes âgées de plus de 65 ans.
La forme familiale de la maladie peut s'exprimer chez des sujets à partir de l'âge de 30 ans.
Cette forme de la maladie représente environ 1% des cas totaux.
Comment diagnostiquer la maladie ?:
Est-ce un début d'Alzheimer ou simplement les conséquences du vieillissement ?
La réponse à cette interrogation n'est pas toujours évidente, en discuter avec le parent concerné encore moins.
Alors comment savoir à quoi s'en tenir ?
Tout l'enjeu médical consiste à savoir repérer parmi la masse de gens qui se plaignent de la mémoire ceux qui souffrent d'une maladie de l'hippocampe comme Alzheimer" insiste le Pr Dubois.
Des signes qui mettent la puce à l'oreille
Mais à la maison, comment savoir si un parent est atteint par la maladie, ou si ses pertes de mémoire ne sont que les conséquences normales du vieillissement ?
Plusieurs indices peuvent mettre la puce à l'oreille :
» Si la personne a simplement perdu ses lunettes ou si elle ne sait plus où elle a mis ses clés, il n'y a pas vraiment lieu de s'inquiéter, cela peut tenir d'un déficit attentionnel. "Par contre, si cette personne ne se souvient plus avoir vu le cousin d'Amérique venu dîner la veille ou si elle ne se rappelle pas un décès récent, là, il y a lieu de s'inquiéter."
Une désorientation spatiale ou temporelle : la personne ne s'y retrouve plus dans sa maison de campagne ou ne se souvient pas de l'ordre des événements.
Des difficultés pour trouver le bon mot au bon moment.
Une apathie : trop souvent confondue avec une dépression, cette phase se caractérise par une démotivation de l'individu, qui devient moins actif, fait de moins de choses.
Mais contrairement au dépressif, l'apathique n'a pas d'idées noires.
Une combinaison de tous ces symptômes est une plus ou moins bonne indication de la présence de la maladie. Mais seul un neuropsychologue va pouvoir déterminer avec précision - bien que l'autopsie du cerveau soit l'unique moyen de faire un diagnostic sûr à 100% - si c'est un Alzheimer ou pas." précise le Pr Dubois. Si vous pensez que votre parent souffre de la maladie, il est conseillé d'aller consulter le médecin traitant de la personne.
Il va pouvoir déterminer s'il s'agit ou non d'une forme de démence grâce à de simples tests de mémorisation.
Consultations mémoire.
Ensuite, si besoin est, le médecin l'orientera vers un spécialiste, un neuropsychologue ou alors directement dans l'une des 232 consultations mémoire en France. Leur principe est de pouvoir à la fois établir un diagnostic du patient et de mettre en place avec le médecin traitant un projet de soin et d'aide pour les patients qui pourront y trouver l'aide d'un gériatre ou d'un neurologue et d'un neuropsychologue. C'est ce dernier qui prendra en charge le bilan neuropsychologique du patient.
Le rôle central du neuropsychologue.
Le bilan neuropsychologique permet d'identifier les symptômes comportementaux et mentaux associés aux lésions cérébrales et à un fonctionnement anormal du cerveau.
Le neuropsychologue choisit avec attention quel test utiliser selon les symptômes du patient et le stade d'évolution de sa démence. Généralement, il commence avec le Mini Mental State ou MMS, outil qui permet de déterminer la sévérité de la démence et d'adapter la prise en charge pharmacologique et sociale.
Le MMS inclut des tests de mémoire, d'attention, de calculs mathématiques, et de langage.
De nouveaux critères de diagnostic:
Les critères de diagnostic de la maladie se fondent principalement sur les critères de classification de la démence : le DSM, manuel de diagnostic et de statistiques de maladies mentales édité par l'Association psychiatrique américaine ou encore celui édité par l'OMS.
Celui qui fait référence et qui permet de diagnostiquer à 85% un Alzheimer "possible" ou "probable" est celui du NINCDS-ADRDA, rédigé en 1984. Mais une récente étude du Pr. Dubois(1) , appelle à une redéfinition des critères de la maladie.
Les connaissances sur la maladie ont énormément progressé cette dernière décade.
D'autre part, le problème majeur des précédents outils de diagnostic est qu'ils ne permettaient de détecter la maladie qu'une fois le stade de démence atteint. Or, nous avons espoir que des médicaments puissent un jour guérir la maladie et il est primordial dans ce cas de dépister précocement pour pouvoir traiter la maladie au plus vite et donc au mieux. Notre approche a été de proposer des outils diagnostiques capables de déceler la maladie avant même l'apparition des symptômes." Visant à la spécificité absolue, ces critères tiennent à la fois compte des troubles du comportement du patient et de données biologiques bien précises : taille de l'hippocampe (réduite chez les personnes atteintes), taux de protéine Tau (présente en haute concentration) et activité métabolique des régions du cerveau touchées.
"Mais surtout, nous avons pu mettre au point un test de mémoire qui met clairement en évidence le syndrome amnésique hippocampique caractéristique de la maladie. Il est sûr dans 92% des cas et pertinent jusque trois ans avant l'apparition des premiers symptômes de démence" souligne Pr Dubois. Pour l'instant, le diagnostic se base principalement sur une étude des symptômes mentaux et comportementaux, un examen physique, des tests neuropsychologiques et des tests de laboratoire.
------- Voir la suite : 2 - Alzheimer : c'est Quoi ?
* Source : Pr. Dubois/Liternaute